Etre à l'hôpital a un côté étrangement romantique. Abandonner son corps aux soignants, leur ouvrir votre âme parfois.
Passer des heures sans dormir la nuit, guetter le moindre bruit extérieur (oiseaux, pluie, vent, bruit de pas, voix au loin, hélicoptère et sirènes).
Derrière la porte bien épaisse, la petite vie fourmillière des infirmières. Bruits de pas, glissements de chariots, sonnerie de bips et de sonnettes...
La lumière éteinte, on voit celles de la ville. C'est beau. Observer de l'extérieur ces petits insectes qui s'agitent.
Brel me souhaitait des bruits d'oiseaux au réveil, le murmure doux de l'eau. J'entends surtout, très présents, les bruits du couloir et en arrière-fond, bien après les oiseaux, le chant de la vie.
Des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques uns.
06:00
A cette heure-ci, les gens se lèvent pour aller bosser. Pas aujourd'hui, c'est samedi, deux heures de répit avant le marché. Repos imposé jusqu'à 8h!
Mais peu importe.
D'ici une heure, le lever du soleil. Les plus beaux jamais observés. Un festival de pourpres, d'ocres, de violets, d'améthystes. Il me manque de quoi immortaliser ce moment.
Des levers de soleil pleins d'espoir!!! Des levers de soleil brumeux aussi. C'est que c'est déjà presque l'hiver. Echarpes, bonnets et soupes à la citrouille. L'autre matin il avait neigé. L'hiver stérile, gris, dur, réaliste.
Dans cet hôpital de morts vivants je me sens vampire. Ou plutôt anti-vampire.
Victime de vampire. La fiancée de Glaglagla.
C'est moi qu'on perfore, nuit et jour, c'est mon sang qu'on emporte dans des petits tubes transparants. Je vis la nuit, je ne mange pas. Chaque soir à l'approche du matin je guette les changements dans le ciel, un frémissement de soleil. Impatience mêlée d'angoisse.
C'est pour ça je pense la première nuit, que j'ai eu l'impression, comme Louis, de mourir et me transformer en monstre des mondes obscurs.
Je vais demander un verre de lait.