Il y a une chose de bizarre dans l'imaginaire des gens (et j'avoue, dans le mien aussi jusqu'ici), c'est qu'ils croient toujours que quand on est à l'hôpital on ne fait rien. Le temps suspend son vol, la vie s'arrête. Qu'on est dans une espèce de romantique rien-faisage où des anges flottent au-dessus de chaque lit pour bénir les chers patients et leurs soignants. Détrompons-nous. Déjà parce que pour ce qui concerne vos rêves et vos projets (à moins de long voire très long terme), vous pouvez commencer par oublier. Bon ensuite... éventuellement à partir d'une certaine durée de quarantaine vis-à-vis du monde et pour autant que des conditions-cadres très précises soient réunies, vous pouvez imaginer nourrir une vie affective. Pour le reste... Pas le temps, pas le temps! Déjà parce que pour commencer, l'administratif vous poursuivra de votre premier à votre dernier (si vous en êtes encore capable) pas dans la machine hospitalière. Vous croyez en être débarrassée une fois les formalités d'admission remplies, le WI-FI et éventuellement la télé-téléphone-radio installés. Le carton à chaussures où vous remisez tout le courrier trié (eh oui un accident un 27 de mois, qui plus est un lundi, implique forcément que c'était LE jour pour s'y coller) une fois transmis à une personne de confiance, vous pensez (naïvement) que vous pourrez désormais vous concentrer sur vous, votre santé. Vous reposer. Vous retaper. ah! ah! ah! Déjà dès le premier matin, vous apprendrez que chaque demande peut (et va) potentiellement prendre des heures. Il y a toujours d'autres patients dans le service et vous n'êtes jamais en tête de liste (NB cela peut aussi dépendre de votre degré d'autonomie, de vos accointances avec votre vis-à-vis combinées avec ses compétences techniques et mentales; exemple: si "votre infirmière sympa" est absente, vous pouvez attendre une heure, crevant de mal, qu'on veuille bien vous secourir (vécu!) "ah mais c'est pas à moi qu'il faut demander et puis arrêtez de sonner pour rien" et blam j'éteins la sonnette et je m'en vais.* ) Parmi la multitude vos interlocuteurs potentiels, il y a médecins, infirmiers, aides, assistants en soin, préstagiaires etc... Par ordre croissant de responsabilités et par ordre décroissant de présence – et souvent d'intérêt voire (j'ose à peine le mot!) d'empathie envers le patient (compris comme une personne humaine comme moi et non un simple "problème" à liquider le plus efficacement (rapidement) possible. Par exemple avec des pastilles bleues et vertes qui vous assomment si vous offrez de la résistance ("Mais il faut vous détendre Madame!"). Bref, vous passez déjà un temps incalculable à attendre puis faire le grand-écart entre fermeté et pétage de plombs pour obtenir ce que vous demandez. Ajoutons que, dépendant d'une large palette de facteurs, vous craquez aussi régulièrement. Et pleurer ça fait passer le temps drôlement vite. Après il y a encore une multitude d'acteurs et d'activités plus ou moins facultatives: le physio (minimum 1h30 par jour), l'assistante sociale, la diététicienne, les tabacologues, la psy, l'infirmière de liaison, etc... Sans oublier le suivi adminisratif à distance de votre vie (toujours un plaisir après une petite narcose). Et puis les visites bien sûr, un autre gros morceau de votre gâteau-temps. Ajoutez les heures passées à créer ce blog, déduisez le tout d'une journée de 24h. Vous obtenez un solde négatif? C'est normal. Tout comme mes heures de sommeil ces derniers jours. | * Notez quand même qu'il y a du favoritisme, car plus on a la vie devant soi, plus on attend... |