C'est celle qui suit l'opération. Douleurs impossibles à identifier, une myriade de nouvelles sensations à apprivoiser, et surtout toutes les formes de la douleur:
- l'engourdissement
- le décalage de sensibilité: on me touche le pied, ça me chatouille le talon; les mains qu'on m'applique sont toujours brûlantes; une douce friction m'emmène au paradis.
- la brûlure et l'engelure au niveau de l'incision; vive et acide
- l'élongation: impression de stretching intensif, le genou en surextension pendant des heures
- les crampes jusque dans les reins
- le tiraillement à l'endroit du cathéter
- la faim avec absence d'appétence
- l'incapacité (et d'ailleurs interdiction) de s'asseoir
J'allume, j'écris, je respire, je sonne, je resonne, l'infirmière n'a jamais le temps, après des heures d'attente fébrile, j'aperçois un premier rayon de soleil. Il n'est que minuit.
Mon corps et là mais ma tête est ailleurs. Je m'endors quand on me parle et je mets 1h pour écrire 3 sms.
En salle de réveil, premier contact – doux – de C*** mon doudou sur ma joue. Un coup d'oeil à mon environnement et la douleur me submerge. Je geins comme une parturiante, je pleure, je claque des dents. Autour de moi des zombies couchés méditent sur le plafond. Des sabots en blouse verte s'agitent. Aucun ne me prête attention. Seule l'anesthésiste vient me voir.
Je n'arrive pas à parler. Je gémis et je pleure. On me dit de me détendre. Tour à tour les infirmières de mon étage descendent et repartent avec d'autres clients. Je suis un résidu de compost sur un chariot.
Dix minutes avant de me descendre au bloc, on m'a fait changer de chambre. Vlan, toutes tes affaires sur les genoux et dégage ma fille!
Le soir ma mère me nourrit à la becquée. Pour la première fois semble-t-il "j'ai bien mangé". Facile quans on ne voit pas ce qu'on nous enfourne...